Face à l’urgence climatique, la réglementation des énergies renouvelables s’impose comme un levier majeur de la transition énergétique. Les gouvernements du monde entier mettent en place des cadres juridiques pour encourager le développement de ces sources d’énergie propre, tout en encadrant leur déploiement. Cette réglementation, complexe et évolutive, vise à concilier les impératifs environnementaux, économiques et sociaux. Examinons les principaux aspects de ce cadre réglementaire, ses enjeux et ses perspectives d’évolution.
Le cadre juridique international des énergies renouvelables
La réglementation des énergies renouvelables s’inscrit dans un contexte international marqué par des accords et des conventions visant à lutter contre le changement climatique. L’Accord de Paris, signé en 2015, constitue une pierre angulaire de cet engagement global. Il fixe l’objectif de limiter le réchauffement climatique bien en deçà de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, ce qui implique une transition rapide vers les énergies propres.
Au niveau européen, le Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) fixe des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables. La directive (UE) 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables établit un cadre commun pour le développement des énergies renouvelables dans l’Union européenne. Elle fixe un objectif contraignant d’au moins 32% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’UE d’ici 2030.
Ces engagements internationaux se traduisent par des obligations pour les États membres, qui doivent adapter leur législation nationale en conséquence. Cela inclut la mise en place de mécanismes de soutien, la simplification des procédures administratives et l’élaboration de schémas de certification pour les installations de production d’énergie renouvelable.
Les principaux instruments juridiques internationaux
- L’Accord de Paris (2015)
- Le Pacte vert pour l’Europe (2019)
- La directive (UE) 2018/2001 sur les énergies renouvelables
- Le règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action pour le climat
Ces instruments juridiques constituent le socle sur lequel s’appuient les réglementations nationales en matière d’énergies renouvelables. Ils définissent des objectifs communs et des mécanismes de coopération entre les États, tout en laissant une certaine flexibilité dans la mise en œuvre au niveau national.
La réglementation française des énergies renouvelables
En France, la réglementation des énergies renouvelables s’articule autour de plusieurs textes législatifs et réglementaires. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 constitue le cadre général de la politique énergétique française. Elle fixe des objectifs ambitieux en matière de développement des énergies renouvelables, visant à porter leur part à 32% de la consommation finale brute d’énergie en 2030.
Le Code de l’énergie rassemble les dispositions législatives et réglementaires relatives au secteur énergétique, y compris les énergies renouvelables. Il définit notamment les régimes d’autorisation pour les installations de production d’énergie renouvelable, les mécanismes de soutien financier et les obligations des fournisseurs d’énergie.
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) est un outil de pilotage de la politique énergétique française. Elle fixe des objectifs quantitatifs pour chaque filière d’énergie renouvelable et définit les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. La PPE 2019-2028 prévoit notamment de doubler la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2028 par rapport à 2017.
Les principaux mécanismes de soutien en France
- Le complément de rémunération
- L’obligation d’achat
- Les appels d’offres pour les grandes installations
- Les tarifs d’achat pour les petites installations
Ces mécanismes visent à garantir une rentabilité suffisante aux producteurs d’énergies renouvelables, tout en maîtrisant les coûts pour la collectivité. Ils sont régulièrement ajustés pour tenir compte de l’évolution des technologies et des coûts de production.
Les enjeux spécifiques à chaque filière d’énergie renouvelable
Chaque filière d’énergie renouvelable présente des enjeux réglementaires spécifiques, liés à ses caractéristiques techniques et à son impact environnemental. L’énergie solaire photovoltaïque, par exemple, fait l’objet d’une réglementation particulière concernant l’implantation des panneaux sur les bâtiments et au sol. Le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement encadrent strictement ces installations pour préserver les paysages et la biodiversité.
L’éolien terrestre est soumis à une réglementation complexe, notamment en ce qui concerne les distances d’implantation par rapport aux habitations et les études d’impact environnemental. La loi ASAP (Accélération et Simplification de l’Action Publique) de 2020 a introduit des mesures visant à simplifier les procédures administratives pour l’implantation d’éoliennes, tout en renforçant la concertation avec les populations locales.
L’éolien en mer fait l’objet d’une réglementation spécifique, tenant compte des enjeux maritimes et de la protection du milieu marin. La loi ESSOC (État au Service d’une Société de Confiance) de 2018 a introduit le concept de « permis enveloppe » pour faciliter le développement de ces projets complexes.
La biomasse et la méthanisation sont encadrées par des réglementations visant à garantir la durabilité de la ressource et à limiter les impacts environnementaux. Le Code rural et de la pêche maritime et le Code de l’environnement définissent les conditions d’exploitation de ces installations.
Les principaux textes réglementaires par filière
- Solaire : arrêté tarifaire du 6 octobre 2021
- Éolien terrestre : arrêté du 30 juin 2020 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent
- Éolien en mer : décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 relatif aux ouvrages de production et de transport d’énergie renouvelable en mer
- Biomasse : arrêté du 23 novembre 2020 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant à titre principal du biogaz issu d’installations de stockage de déchets non dangereux
Ces réglementations spécifiques visent à adapter le cadre juridique aux particularités de chaque technologie, tout en garantissant un développement harmonieux et durable des énergies renouvelables.
Les défis de la réglementation des énergies renouvelables
La réglementation des énergies renouvelables doit relever plusieurs défis majeurs pour accompagner efficacement la transition énergétique. L’un des principaux enjeux est de trouver un équilibre entre la simplification administrative nécessaire pour accélérer le déploiement des projets et la protection de l’environnement et des populations locales. La loi ASAP de 2020 a introduit plusieurs mesures visant à réduire les délais d’instruction des dossiers, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour fluidifier les procédures.
Un autre défi majeur concerne l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique. La nature intermittente de certaines sources comme le solaire et l’éolien nécessite une adaptation du cadre réglementaire pour favoriser le développement du stockage d’énergie et des réseaux intelligents. La loi Énergie-Climat de 2019 a introduit des dispositions en ce sens, mais leur mise en œuvre reste un chantier en cours.
La question de l’acceptabilité sociale des projets d’énergies renouvelables constitue également un enjeu réglementaire majeur. Les procédures de concertation et de participation du public doivent être renforcées pour favoriser l’appropriation locale des projets. La réglementation doit également prévoir des mécanismes de partage des bénéfices avec les territoires d’accueil, comme le prévoit la loi Climat et Résilience de 2021.
Les pistes d’évolution réglementaire
- Renforcement des guichets uniques pour simplifier les démarches administratives
- Développement d’un cadre réglementaire favorable au stockage d’énergie
- Mise en place de mécanismes de financement participatif pour les projets d’énergies renouvelables
- Adaptation des règles d’urbanisme pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables dans le bâti
Ces évolutions réglementaires devront s’accompagner d’une réflexion sur la gouvernance de la transition énergétique, afin de garantir une cohérence entre les différents échelons territoriaux et une bonne articulation entre les politiques énergétiques et les autres politiques publiques (aménagement du territoire, protection de la biodiversité, etc.).
Perspectives d’avenir pour la réglementation des énergies renouvelables
L’avenir de la réglementation des énergies renouvelables s’inscrit dans un contexte d’accélération de la transition énergétique. La Commission européenne a proposé en 2021 de relever l’objectif de part des énergies renouvelables à 40% de la consommation finale brute d’énergie d’ici 2030, dans le cadre du paquet « Fit for 55 ». Cette ambition accrue nécessitera une adaptation du cadre réglementaire à tous les niveaux.
Au niveau national, la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, promulguée en mars 2023, introduit de nouvelles mesures pour faciliter le déploiement des projets. Elle prévoit notamment la création de zones d’accélération pour l’implantation d’énergies renouvelables, la simplification des procédures pour le photovoltaïque sur les terrains dégradés, et le renforcement du rôle des collectivités territoriales dans la planification énergétique.
L’émergence de nouvelles technologies, comme l’hydrogène vert ou les énergies marines renouvelables, nécessitera l’élaboration de cadres réglementaires spécifiques. La France a déjà adopté une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné, qui devra se traduire par des dispositions réglementaires adaptées.
La réglementation devra également intégrer les enjeux de l’économie circulaire dans le secteur des énergies renouvelables, notamment en ce qui concerne le recyclage des équipements en fin de vie (panneaux solaires, pales d’éoliennes, batteries, etc.). La directive européenne sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) inclut déjà les panneaux photovoltaïques, mais ce cadre devra être étendu et renforcé.
Les axes de développement réglementaire futurs
- Adaptation du cadre réglementaire aux objectifs renforcés du paquet « Fit for 55 »
- Élaboration d’un cadre juridique spécifique pour l’hydrogène vert
- Renforcement des dispositions relatives à l’économie circulaire dans le secteur des énergies renouvelables
- Développement de mécanismes de soutien innovants (contrats pour différence, garanties d’origine, etc.)
Ces évolutions réglementaires devront s’inscrire dans une vision systémique de la transition énergétique, prenant en compte les interactions entre les différents secteurs (électricité, chaleur, transport) et les enjeux de flexibilité et de stockage. La réglementation des énergies renouvelables continuera ainsi à jouer un rôle central dans la transformation de notre système énergétique vers un modèle plus durable et résilient.
